Début novembre, Acquia annonçait avoir obtenu 8,5 millions de dollars de financement. Mashable publiait à cette occasion une interview de Dries Buytaert, Inventeur de drupal et co-fondateur d'Acquia. La société, fondée en 2007 vend des logiciels et des produits développés à partir de Drupal, le CMS open source créé en 2000.
En quelques années, Drupal est passé d'un simple test de Buytaert sur les nouvelles technologies à un projet qui comprend des milliers de programmeurs à travers le monde. La Maison-Blanche, Harvard et MTV utilisent tous Drupal pour gérer leur site. Acquia, tout comme Bluedrop et de nombreuses autres entreprises, s'appuyent sur Drupal, son succès et sa performance pour leur business model.
Lors de son entretient avec Mashable, Dries Buytaert a répondu sur la valeur des projets open source et le rôle que les intérêts commerciaux jouent dans leur succès.
1. Selon vous, qu'est ce qui fait le succès d'un projet open source ?
Dans le cas de Drupal, c'est vraiment la communauté des personnes qui contribuent au projet. La communauté est très grande, elle comprend des milliers de développeurs, et chacun de ces développeurs participe à la conception des modules. Pour vous donner une idée, il y a actuellement 7.000 modules sur le site. Et c'est le fait que toutes ces personnes contribuent à ces modules qui nous permet d'obtenir à la fois l'échelle et la portée du projet.
2. Comment avez-vous construit une communauté forte?
Je travaille sur Drupal depuis 10 ans. Il n'y a pas de formule magique. Il faut certainement beaucoup de temps pour bâtir une communauté. J'ai passé 10 ans à travailler sur Drupal pour obtenir ce que le CMS est aujourd'hui. Pour nous, une grande partie de la construction de la communauté a lieu « offline ». Nous organisons par exemple les « meetups », ainsi que des conférences Drupal.
3. Lorsque vous avez commencé Drupal, pourquoi avez-vous décidé d'en faire un projet open source ?
Pour être honnête, c'était en quelque sorte par accident. J'ai commencé à travailler sur Drupal pour deux raisons. D'une part, afin d'en savoir plus sur PHP et MySQL ... Et d'autre part, j'avais une idée en tête et j'avais besoin pour cela d'un « journal de bord ».
J'ai donc pensé à le concevoir avec MySQL et PHP pour en apprendre davantage à ce sujet. Et puis j'ai commencé à ajouter des choses, à restructurer le programme, et à lui faire sa fameuse structure modulaire. J'ai ajouté beaucoup de fonctionnalités expérimentales comme les blogs. À l'époque, les blogs ne portaient pas encore ce nom. Ils étaient appelés « agendas publics », et les flux RSS étaient en cours de définition. D'une certaine façon, Drupal était au début une plate-forme expérimentale pour découvrir et tester les différents types de technologies.
J'ai mis en ligne un site web nommé Drop.org, qui était la « face publique » de ces expériences. Ce site a attiré un grand nombre de personnes, intéressées et enthousiasmées par l'avenir du web. À l'époque, Drop.org fonctionnait exactement comme les digg like. Tout le monde pouvait soumettre des articles et voter ; les meilleures histoires étaient affichées sur la page principale. Et les gens ont commencé à poster des suggestions du genre: « Si vous changez l'algorithme comme cela, les votes seront de meilleur qualité ». À un moment donné, j'ai pratiquement dit: « Je vous remercie pour toutes les suggestions, mais j'ai mon propre ordre du jour - Je veux travailler sur ce dont j'ai envie - mais ce serait bien que vous puissiez travailler sur des choses qui vous passionnent ». C'est ainsi que nous avons décidé de rendre disponible le code source du site web.
4. Si le concept de l'open source venait à disparaître demain, quelles seraient les incidences sur l'Internet ?
Je pense que ce serait terrible. Évidemment, une grand partie de l'Internet est alimenté par l'open source. Une des choses que nous avons fait à Acquia a été de construire un robot pour explorer tous les sites qui existent et faire une sorte de prise d'empreintes digitales pour connaître le nombre de sites qui utilisent Drupal, contre WordPress, Joomla ou tout un tas d'autres CMS. Plus de 10% des sites dans le monde sont gérés par Drupal, Wordpress et Joomla – et uniquement ces trois. Et tout trois sont des CMS open source, donc il suffit de supprimer ces trois CMS, pour perdre 10% des sites Web.
Et ça ne concerne pas que les CMS, car la plupart des sites Web sont gérés par Apache ou MySQL. Même dans les grandes entreprises comme Google. En effet, même si elles ne peuvent pas mettre à disposition le code source de leurs algorithmes de recherche, beaucoup de leurs supports ont un code qui utilise des composants open source. Quelques unes des plus grandes sociétés dans le monde surfent vraiment sur l'open source.
5. Vous avez parlé d'autres CMS semblables au votre. Quelle place voyez-vous pour Drupal parmi ces CMS?
Je pense que ce qui distingue Drupal des autres, c'est que c'est vraiment une plate-forme. Si vous regardez WordPress, il est réellement bon pour les blogs. Joomla, lui, est vraiment bien pour la création de petits sites, de sites Web d'entreprise. C'est dans ces domaines que ces 2 CMS excellent. Cela ne signifie pas qu'ils ne peuvent pas être utilisés pour d'autres choses ... mais je pense que Drupal est unique car il peut être utilisé pour de très petits à de très grands sites. Les gens utilisent Drupal pour toutes sortes d'utilisation. Quelques uns des plus grands sites dans le monde utilisent Drupal - comme le site de la Maison Blanche qui, je pense, regroupe des fonctionnalités trop différentes et trop complexes pour les autres CMS.
Ce que tous ces fournisseurs ont en commun c'est qu'ils ont changé la façon dont les gens conçoivent les sites Web. Tous ces CMS open source concurrencent les CMS payant. Nous gagnons en effet sur le prix, car l'open source est moins cher, et je pense que nous avons récemment commencé à gagner aussi sur les fonctionnalités... Et la raison en est que le modèle de développement open source nous permet de suivre les rapides évolutions des technologies du web. Il est vraiment difficile pour une organisation commerciale qui dispose de 30 développeurs ou même de 50 développeurs de suivre le rythme. De nouveaux services sont lancés tous les jours. Et avoir une communauté de développeurs de plusieurs milliers de personnes nous permet de suivre ce rythme de l'innovation.
6. Vous êtes le responsable de Drupal, qui est un projet open source fondé sur le volontariat, et vous êtes aussi le fondateur d'Acquia, une société qui vend des produits et services liés à Drupal. Comment conciliez-vous ces intérêts?
C'est très facile en fin de compte. Ce qui est le meilleur pour Drupal est le meilleur pour Acquia. En effet, Acquia ne peut pas avoir beaucoup de succès si Drupal lui-même n'en a pas. Nos intérêts sont donc très similaires.
7. Vous avez récemment publié sur votre blog un article sur le rôle de la commercialisation dans les projets open source. Qu'est-ce que ces intérêts ajoutent ou de enlèvent aux projets ?
Une des choses apprises de Drupal est que les intérêts commerciaux sont bénéfiques. Mais ils doivent être gérés correctement. Par exemple, je pense que la raison principale du succès de Drupal est la communauté. Je pense aussi que la raison pour laquelle nous avons une telle communauté est que beaucoup d'entreprise revendent des services autour de Drupal. Ils utilisent Drupal pour construire des sites Web pour leurs clients. C'est donc un outil qui permet aux gens de faire de l'argent, et parce qu'ils font de l'argent avec Drupal, ils s'investissent et contribuent au projet parce que leur entreprise en dépend.
Cela peut signifier que le développement est souvent dicté par des intérêts commerciaux. C'est une très bonne chose car cela nous donne la vitesse que nous avons. Ce qui est important c'est que la prise de décision et le leadership ne soient pas influencés par des intérêts commerciaux ... nous avons besoin de fonder nos décisions sur la valeur technique, parce que c'est ce qui est important pour la réussite à long terme de Drupal, et non pas parce que c'est commercialement intéressant.
C'est quelque chose dont nous avons toujours tenu compte et qui, je pense, a toujours été bien équilibré. Chaque décision à propos de Drupal est discutée démocratiquement.
Que pensez-vous des commentaires Buytaert ? Open Source en général ? Son approche de Drupal ? Faites-nous savoir dans les commentaires ci-dessous.
* Adaptation de l'interview de Dries Buytaert publié sur le site Mashable.com le 1er novembre 2010.
http://mashable.com/2010/11/01/dries-buytaert-interview/